POUR LE DEBAT

Publié le par Alternatifs06 pays de Grasse






Nouveau parti anticapitaliste" ou parti-mouvement ?
Contribution à un débat nécessaire
 

    
Les élections municipales ont révélé un paradoxe: les électrices et les électeurs ont infligé une défaite à la droite et la gauche victorieuse n'a rien à leur proposer. Le PS perd  sa substance militante et se transforme en machine  électorale pour laquelle la victoire est une fin en soi. Le PCF tente tout et son contraire pour conserver quelques îlots d'influence.  Les Verts survivent dans la plupart des cas dans la dépendance du PS. L'extrême gauche classique dévide sa propagande sans influence sur la réalité. 

Seul fait digne d'intérêt, les listes à gauche de la gauche obtiennent de bons résultats ;  la direction de la LCR s'y appuie  pour relancer son initiative, créer un nouveau parti anticapitaliste.  Nous devons  prendre cette initiative au sérieux ; l'aspiration à une nouvelle force politique est réelle autour de nous, la LCR est la seule à occuper ce terrain à gauche de la gauche. 
    
            

          L'émiettement de la gauche alternative, altermondialiste, n'est en effet plus tenable. Preuve en est la quasi-disparition des listes constituées autour de groupes locaux de type « alternatifs-citoyens-motivés"… Le rassemblement de cette gauche alternative dans une forme politique stable est à l'ordre du jour. Quelles sont les conditions de la réussite?

    

 La question de la démocratie interne  est cruciale. Certes il faudra inventer en marchant. Mais il est possible d'avancer dès aujourd'hui quelques idées-forces. Il faut rompre avec le centralisme et la verticalité, formes dominantes dans presque toutes les tendances du mouvement ouvrier, et donner la priorité aux formes de décisions les plus démocratiques dans la perspective d'une organisation autogestionnaire.  Il  ne s'agit pas de faire disparaître toute centralité, lieu où les pratiques se socialisent, les idées se confrontent, les décisions se confirment après débat interne, mais de dépasser les blocages  qui marquent la culture politique issue du mouvement ouvrier. 
 

 La forme parti doit être remise en cause au profit du mouvement,  ou du parti-mouvement, si l'on veut par cette expression associer l'idée de stabilité à celle de la novation et se dissocier de l'idée inadéquate, parce qu’elle nous réduit à l’impuissance, de réseau. Il faut s'inspirer de la nouvelle culture  en gestation dans le mouvement altermondialiste. La nouvelle force  politique  animera les luttes sans imposer son orientation,  ne dirigera  ni les syndicats, ni les associations, ni les mouvements de masse et ne s'y substituera pas.
 

 Le mouvement altermondialiste nous l’a confirmé : travail en réseau et coopérations horizontales entre syndicats, associations et forces politiques à égalité, absence de hiérarchie entre les terrains de lutte, voilà ce qu’il nous faut, voilà la culture politique émergente qui doit nous faire renoncer au parti dirigeant ou, ce qui revient au même, au parti qui s'institue «débouché des luttes».     

 Les déclarations d'intention ne suffisent pas. Les actes sont décisifs. Sans formalisme ni spontanéisme, les pratiques autogestionnaires doivent être non pas  institutionnalisées, ce qui débouche sur la bureaucratie, mais instituées par des statuts qui donnent la priorité aux droits  des  adhérents et adhérentes à  la démocratie, à l’expérimentation, au fonctionnement  en réseau et au déploiement des initiatives individuelles en liaison avec la démarche collective et le primat du collectif.  La rotation des responsabilités, la parité dans tous les lieux de direction seront impératifs.

Ce qui se passe en ce moment  dans la LCR, à travers l’épisode de la « dépermanentisation » de Christian Picquet, représente ce qui ne doit plus être possible et jette une ombre inquiétante sur le projet de la direction de la LCR, l'ombre portée d'une culture politique caduque, issue de l'avant-garde organisée autour du centralisme démocratique.     

 

 Dans un monde ravagé par le capitalisme mondialisé, l'anticapitalisme doit être le fil rouge de ce projet.  Le féminisme et l'écologie en sont partie intégrante et ne sont pas les contradictions secondaires de l'anticapitalisme qui serait la contradiction principale. Simplement, même si les dégâts  dans le  milieu naturel sont vieilles comme l'humanité,  elles prennent sous le règne du productivisme capitaliste l'allure d'une catastrophe permanente, et même si la domination subie par les femmes a sa logique et son autonomie propres, elle recoupe l'organisation capitaliste du travail où les femmes occupent toujours, pour le plus grand nombre, une place subalterne. Quant à l’autogestion, elle n’est ni un supplément d’âme ni un objectif lointain pour les lendemains de la prise du  du pouvoir.  L’autogestion est une exigence immédiate, but et moyen à la fois, pratique dans les luttes et aspiration dans le fonctionnement même des structures associatives, syndicales, politiques. Réapparue en Amérique Latine, elle est vivace dans l’entreprise comme dans la vie de la cité à travers les aspirations tenaces à la démocratie dite participative.
 

 Il s'agit d'avancer sur tous les fronts à la fois. Cette synthèse, permettra de se situer clairement à gauche, et de reprendre le flambeau de l'émancipation sociale,  raison d'être et notion fondatrice de la gauche, des mains de la gauche traditionnelle en pleine débandade.

    

Des milliers d'hommes et de femmes sont prêts à faire cette expérience, à condition d'être associés à toutes les étapes de son déroulement. Une question se pose à propos de l'initiative de la LCR. Si l'objectif est un rassemblement anticapitaliste, autogestionnaire, féministe, écologiste, et compte tenu du fait qu'actuellement aucune organisation ne peut prétendre avoir la culture qui réalise la synthèse de ces quatre aspects, la seule voie praticable n'est-elle pas de mettre ce projet en œuvre en  y associant dès le début organisations, militants et militantes dans des structures unitaires?

 
Le projet doit se faire de bas en haut et non de haut en bas, dans le pluralisme et non pas autour d'une seule organisation. En voulant conduire le processus sous sa seule responsabilité, la direction de la LCR ne prend pas cette voie.  Or des questions comme l'indépendance sans sectarisme à l'égard du PS et la présence sans compromission dans les institutions ne peuvent se régler sans croiser les expériences  des différentes sensibilités intéressées par la construction d’une nouvelle force politique.     

 Nous devons être exigeants dans nos discussions avec la LCR et aborder les problèmes sur le fond. Ces discussions doivent donc avoir lieu !  L'enjeu est en effet de taille. Il s'agit de secouer l'hégémonie du PS sur la gauche et de rouvrir les possibles de la transformation sociale. 
  
        
Ni la précipitation  ni l'à peu près ne sont de mise.  La nouvelle culture politique, autogestionnaire, n'est pas seulement le fruit d'une organisation politique nouvelle, elle en est aussi la condition de possibilité.

 

 Répétons-le: plutôt qu’un « nouveau parti anticapitaliste » à l’ancienne, regroupé de fait autour d’un seul courant politique, c’est d’une nouvelle force politique, mouvement ou parti-mouvement, pluraliste et autogéré, écologiste, autogestionnaire et féministe autant qu’anticapitaliste, dont nous avons besoin.
 

 De la base au sommet, aux échelles locale, départementale ou régionale, comme au plan national, toutes les initiatives allant dans ce sens, et permettant de mettre fin à la fragmentation existant à la gauche du PS, sont nécessaires : Etats-Généraux, Forums … etc
 

Les listes municipales à gauche de la gauche, en maintenant leur existence au-delà des élections, pourraient jouer un rôle très utile dans ce sens.

           
Ces initiatives, prenons-les sans tarder !

 

 

Bruno Della Sudda et Romain Testoris
Nice, le 3 avril 2008                         
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